dimanche 14 octobre 2018

t é m o i g n a g e

Un témoignage en complément à un livre intitulé « Réaliser des manuels sous licence libre - retours d'expériences » de Sébastien Hache , et en réponse à des questions posées par celui-ci .



t é m o i g n a g e



p h a m . t h i . a n h . n g a




1) Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Pham Thi Anh Nga, enseignante-chercheuse-formatrice à l’Université de Langues Étrangères de Hué (Vietnam), en retraite active depuis 2011.
Parcours et formation : Baccalauréat français - Série D (Mathématiques et Sciences de la nature) au Vietnam en 1973, ENS de Hué - Vietnam 1977, D.E.A. (Langage en situation) en 1997 et Doctorat en Sciences du langage en 2000 à l’Université de Rouen - France. Professeur-associée en Linguistique (2008).
Publications : « François Jullien : une lecture et un auto-questionnement », Synergies Monde - Gerflint no 3, 2008 – « Traduisibilité vs intraduisibilité - Le cas des textes littéraires et de leur traduction en milieu scolaire », Actes de colloque, Hué - Vietnam, 2007 – « Le bien dire et le dire difficile. Essai de témoignage », Synergies France - Gerflint no5, 2006 – « La littérature et le texte littéraire en classe de langue », Actes de colloque, Hélouan - Égypte, 2005 – « Vivre son identité au Vietnam », Hermès, CNRS France, no40, 2004 – Hué dans les yeux de… Essai bilingue, 2002 – Manuels Tiếng Pháp 11 et 12 (co-auteur, Didier-Hatier & Giao Duc 1995, 1998) – Manuels Netado.vn 1 et 2 (concepteur en chef), OIF & MEF Vietnam 2017, 2018.

2) Quel est votre rôle dans le projet Netado ? (inutile de présenter Netado de manière générale, c'est fait dans le livre)

Je participe au projet Netado.vn en tant que concepteur des 7 manuels pour le secondaire du Vietnam et des guides pédagogiques, ainsi que certains compléments numériques pour le site de la méthode (dans une équipe de 6 concepteurs, répartis dans 3 villes du Vietnam). J’assure en plus la responsabilité de rédacteur en chef pour les quatre 1ers manuels (niveau collège) : harmoniser le travail en commun, répartir les tâches, proposer un échéancier annuel et le gérer, avoir le dernier mot pour la version finale des produits et en être responsable. Quant au rédacteur en chef général, il se charge des relations extérieures et des aspects organisationnels du projet.

Ce travail de conception se situe en fait à la suite et en parallèle avec une série de travaux : conception d’un référentiel intermédiaire de compétences en langue française à partir du CECR européen et du référentiel de langues du Ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam (niveaux A1.1, A1.2, A2.1, A2.2, B1.1, B1.2), conception d’un programme de LV2 (langue vivante 2) de 7 années pour le Vietnam, sachant que la 1re LV est l’anglais (appris depuis la 3e année du primaire).

3) Vous travaillez actuellement sur le volume 3 de la collection.
Comment a évolué votre travail depuis le lancement du projet ?

Pour le 1er manuel, nous avons eu l’accompagnement pédagogique très enrichissant et efficace d’une collègue française nommée par l’OIF, Adeline Gaudel. À partir du 2e manuel (du 2e volume), il nous reste seulement l’appui technique d’un collègue français, Sébastien Hache, qui, dès le début du projet, nous a initiés à des outils numériques indispensables pour notre travail de conception, et qui continue toujours à nous accompagner avec perspicacité.

De notre côté, c’est le travail qui nous forme de plus en plus : la maîtrise de la tâche et l’efficacité se confirment progressivement avec le temps et le déroulement du travail, pour le contenu comme pour la forme (mise en page, usage des éléments iconographiques, …). Restant pour la plupart du temps chacun dans son « coin », sous pression des préoccupations journalières (travail, famille...), de différentes tâches et n’ayant que très peu d’occasions de rencontre et d’échange en tête à tête, assurer le train en marche a été l’objet d’une prise de conscience commune et de gros efforts de chaque membre de l’équipe de concepteurs. On aurait aimé des conditions de travail plus favorables ...
Dans l’ensemble, par opposition à d’énormes pertes de temps et de « tâtonnements » du début, arrivés au 3e volume (3e manuel), chacun s’y connaît dans sa tâche et le résultat final le prouve. En effet, nous nous organisons de manière beaucoup plus efficace, malgré quelques imprévus qui ralentissent le train en marche.

4) Si vous deviez donner des conseils à une équipe d'auteurs désireuse d'écrire un manuel scolaire sous licence libre, quels seraient-ils ?

J’espère que ces quelques vécus de ma part pourraient leur être utiles :

Pour un travail d’équipe :
- Dans une équipe de travail en commun, chacun a ses points forts et ses failles, d’où la nécessité de rester continuellement en contact, en échange, pour se compléter et améliorer le travail de chacun. Par souci de qualité, tout produit d’un membre de l’équipe doit impérativement être mis en concertation avec les autres membres.
- La répartition des tâches doit être pertinente (approximativement, bien sûr), en fonction des aptitudes et de la disponibilité de chacun, et équilibrée entre les parties et entre chaque partie et le tout. L’ensemble doit être suffisamment articulé pour le contenu comme pour la forme.
- Le recours à un compte commun sur Google Drive est nécessaire pour la communication entre les membres des fichiers créés, pour la gestion et l’assemblage en vue d’un produit final.
- Des échéanciers à long terme et annuels validés et respectés par tous aident à gérer et modérer le temps et respecter les délais.

Pour la conception d’un manuel scolaire, il serait bon de :
- Bien maîtriser les objectifs et le contenu du programme, pour ne pas dépasser le niveau du public ou s’en écarter. Le choix des contenus doit être pertinent et cohérent dans son ensemble.
- Dans le cas des manuels de langue, veiller à ce que les éléments nouveaux (lexique, grammaire, ...) respectent un certain dosage (par exemple : au maximum 30 éléments nouveaux par leçon, mots et structures convenables au niveau de langue en question : A1.1, A1.2., ...).

Pour un travail nécessitant le recours aux nouvelles technologies, seraient indispensables :
- La maîtrise des moyens technologiques (et numériques) appropriés.
- Dans la mise en page assurée par les auteurs mêmes, l’usage des fichiers en .odt (Libre Office) à la place des fichiers en .doc ou .docx (Word), puis la conversion en fichiers pdf.
- La création dès le début des fichiers de type « modèle » pour chaque catégorie de produits (pages du manuel, fiches complémentaires, …).

Pour la conception d’un produit mis sous licence libre, il faut :
- La prise de connaissance de la notion de « sous licence libre » et l’effort de bien respecter les règles du jeu.
- Le recours à des images libres de droits pour leur utilisation dans les manuels, et la gestion des liens certifiant cette liberté de droits.
- Une éventuelle modifiabilité des produits dans les détails, pour le contenu comme pour la forme, en vue d’application à d’autres publics et d’autres pays.
- Et, pourquoi pas, une entente dès le début du projet avec les instances relatives au projet, pour assurer suffisamment les conditions de travail de l’équipe et des possibilités de mise en application des manuels, une fois achevés.

Fait à Québec, le 29 septembre 2018
p.t.a.n.









https://fr.flossmanuals.net/realiser-des-manuels-sous-licence-libre-retours-dexperiences/_draft/_v/1.0/pham-thi-anh-nga/
( « Réaliser des manuels sous licence libre - retours d'expériences » , de Sébastien Hache , OIF - publié sous licence CC BY SA 4.01 - 2018 )