lundi 29 septembre 2008

Impressions I (1978)

Premiers essais en écriture d'une jeune enseignante (avec le soutien de M. Bửu Ý ... il y a trente ans)

On a du mal à se remettre après un beau voyage. Ce matin, je me réveille bien avant le lever du jour, et soudain cette constatation me vient à l’esprit. Elle vient à moi, pure et nette, comme si quelqu’un venait de me la souffler à l’oreille. À cet instant, je ne me sens nullement en moi le regret d’un rêve interrompu, car vraiment il ne me laisse aucune trace. Et mon esprit, je le recueille bien filtré après ce repos nocturne, libéré de mille contraintes des jours passés.

On ne sait jamais pourquoi la vie est délicieuse à chaque instant. Un peu par sa monotonie, et beaucoup par ses changements, je crois. Je parle des changements qui nous permettent de découvrir d’autres façades de l’existence, façades souvent négligées dans notre vie quotidienne. Car un jour vient où le changement se présente à nous – une bonne excursion, à quitter sa région pour un certain temps, à abandonner en quelques semaines son train de vie. Et le désir est toujours vif de partir, n’est-ce pas vrai? Cette ville, où je suis née et où j’ai pleinement vécu les dernières années de mon enfance tardive, depuis quand ai-je commencé à vouloir la quitter, ne serait-ce que pour le seul plaisir de penser à elle de loin? C’est bien intéressant de s’absenter pendant plusieurs jours à un lieu où on a toujours partagé la vie avec des êtres bien-aimés, où chaque période reprend toujours son même train de vie et où tout est familier, depuis ce soleil rayonnant jusqu’aux insectes qui essaient chaque matin d’escalader ces marches noircies. Mais c’est beaucoup plus intéressant si par hasard après son séjour passé dans une région lointaine on découvrait tout son monde sous un jour nouveau. L’espoir s’ouvre lorsqu’on part, et le bonheur est plus débordant dès qu’on revient à l’attente de ses proches, de ses camarades.

Le train, cet objet bizarre, j’ai eu tout mon temps pour le «déchiffrer» à ma guise, une fois avalée puis placée dans l’un de ses wagons. Il est toujours pour moi une bête sauvage qui fume, qui s’élance sans aucune crainte. Il m’a emportée loin de cette ville, il m’a réservé quelques semaines de vie bien remplies et puis, dès que j’en avais l’habitude, il m’a brusquement enlevée de ce monde pour me rendre à temps à ma ville natale. Ce voyage, trop beau pour pouvoir se rapprocher d’un rêve, me paraît imaginaire. Et qu’avais-je fait? Suivre des cours d’étude, faire des promenades, des excursions, des visites cérémonieuses... pour revenir le cœur plein de tendresses et d’émotions, fraîchement touchée par l’atmosphère cordiale et chaleureuse que mes nouveaux amis m’ont accordée... J’ai un peu pleuré au premier tressaillement de la locomotive prête à quitter HN. Pourtant j’éprouvais cette heureuse impression de sortir brusquement d’un somme riche d’aventures. Une porte vient de se fermer et une autre de s’ouvrir.

Et enfin, me voilà revenue à cette ville – ville où je suis née et où j’ai pleinement vécue les dernières années de mon enfance tardive. Me voilà revenue à elle après plusieurs semaines d’absence. Je réalisais dès lors que jamais je ne pourrais la quitter pour toujours... Le train et son sifflement, je ne cesse d’y penser jour et nuit. Plus j’y pense, plus le désir est vif de mener à bien mon travail de chaque jour, mon devoir envers ceux qui m’entourent. Mes professeurs, mes camarades et mes élèves, avez-vous découvert quelque chose de nouveau dans mon regard porté vers vous?

On a toujours du mal à se remettre après un beau voyage. Sans doute cette parole est-elle venue du fond de mon cœur. C’est toujours vrai. Pourtant ça peut être utile, nécessaire même, si par hasard ça permet d’éveiller et l’ardeur et la joie de vivre.

J’ai trop envie de rester enfouie dans mes couvertures, et de faire la grasse matinée. Mais d’un bond je sors du lit, tout en chantonnant.

Les premières lueurs du jour restent encore invisibles.

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