lundi 15 septembre 2008

INDOCHINE, L’ENVOÛTEMENT (Jean de La Guérivière, L’Histoire Immédiate, Seuil 2006)

(Extrait)

FRANCOPHONIE DORMANTE(...)Le riz et le pain


Parce qu’elle fut la capitale d’une famille royale où l’on parlait français, Hué reste la ville la moins anglophone du Vietnam. (Quoique le propriétaire d’un des sampans qui attendent le touriste au bord de la rivière des Parfums m’ait donné une carte de visite sur laquelle il se présente superbement comme «M.Tran Hoi captain et owner».) Notre langue n’est pas oubliée sur les légendes des cartes postales locales. On peut l’utiliser pour demander son chemin. Après le tout-américain de Hanoï, c’est aussi reposant que la navigation silencieuse vers les tombeaux de la dynastie sur la célèbre rivière.


À Hué, il y a une université des langues étrangères que fréquentent deux cents futurs professeurs de français, plus deux cents autres étudiants qui ne se destinent pas à l’enseignement mais veulent obtenir un diplôme de français dans des modules spécialisés (tourisme, affaires). C’est quatre fois moins que dans la filière anglophone, mais ce n’est pas insignifiant. Pham Thi Anh Nga enseigne à Hué. Née en 1956 dans la cité impériale, elle a fait ses études primaires et secondaires à l’école catholique d’avant 1975, quoique bouddhiste. Elle a obtenu de notre ambassade une bourse pour préparer un doctorat en lettres à Rouen. Elle avoue s’être sentie un peu déphasée parmi ses camarades français de la génération d’après Mai 1968. Appris à l’ancienne, son français semble «précieux» à force de correction. Elle n’est pas la seule Vietnamienne dans ce cas. Outre sa thèse, Anh Nga a écrit un petit livre analysant le regard que quelques-uns de nos écrivains contemporains ont porté sur Hué et les Huéens [1], En quatrième page de couverture de cet essai bilingue, il y a une photo d’elle ... tenant une baguette de pain dans une rue française.


La baguette bien de chez nous reste un symbole dans «l’Asie des baguettes». Ou plutôt le pain sous toutes ses formes. (...)
Jean de La Guérivière


4e de couverture

Entre la France et les trois pays – Vietnam, Laos, Cambodge – formant l’ancienne Indochine s’est construite, au fil des décennies, une histoire passionnelle sans équivalent comparable. La dure guerre française (1946-1954), puis celle - américaine – du Vietnam n’ont pas fait disparaître cette passion et en ont même, à l’heure du tourisme, ravivé notre nostalgie. C’est l’histoire de cette passion pour l’Indochine que raconte Jean de La Guérivière, ancien journaliste au Monde, journal pour lequel il couvrit les derniers moments de la guerre au Vietnam. Son récit ne se borne pas à la politique, loin s’en faut. Il englobe la culture militaire, les missions religieuses, le cinéma, la littérature de voyage et celle des romanciers «asiates». Il s’intéresse aux liens spécifiques tissés pendant plus d’un siècle entre ces sociétés lointaines et la France. Les femmes y occupent une place privilégiée. Au total, cette «somme» à la fois savoureuse et érudite rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir si l’on veut comprendre la genèse et la persistance d’un véritable envoûtement.

Jean de La Guérivière fut longtemps journaliste au Monde. Il a exercé son métier principalement à l’étranger. Il est l’auteur de plusieurs essais dont l’un, publié au Seuil en 2001 sous le titre Les Fous d’Afrique. Pour écrire ces pages, il est revenu dans l’ancienne Indochine trente ans après avoir couvert la chute de Saigon.

Note:[1] Hué dans les yeux de..., Éd. Thuan Hoa à Hué, 2002.



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