samedi 13 septembre 2008

POUR UNE BONNE FORMATION DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS DU SECONDAIRE

(1993)

Pham thi Anh Nga
Professeur de français
ENS de Hué


Notre exposé se propose la tâche de revenir au problème de la formation des professeurs de français du secondaire, en essayant de réfléchir sérieusement sur les questions qui se posent autour de l’acte de formation: POURQUOI et POUR QUOI? (points de départ et objectif(s)), QUI? (public), PAR QUI? (responsables), QUOI? (contenu), COMMENT? (forme).

1.a. POURQUOI OU À PARTIR DE QUOI EST-ON AMENÉ À ENVISAGER UNE TELLE FORMATION?

Plusieurs raisons servent de points de départ:

(1) le respect des contraintes ministérielles et institutionnelles, à savoir l’objectif qui a été fixé à l’enseignement du français au niveau secondaire: la compréhension des textes d’indormation générale en respectant une approche communicative.

(2) les exigences qui se posent dans l’utilisation des manuels de la nouvelle méthode TIENG PHAP (élaborée au CIEP-Sèvres), la seule à avoir comme objectif final la compréhension écrite, en restant dans le cadre de l’approche communicative.

(3) les situations réelles de l’enseignement du français au secondaire avec les nouveaux manuels: le niveau de langue et de maîtrise en technique de classe des professeurs de français est loin de leur permettre de décider, dans leur enseignement, de ce qu’il faut faire et de la façon dont il faut le faire. Il est vrai que les livres du professeur sont là pour les guider, mais on y court deux risques: ou on les suit de très près et perd tout recours à la réflexion, toute initiative et toute motivation, ou on essaie de frayer un autre chemin et viole inconsciemment les principes méthodologiques. Il importe donc de mieux armer les professeurs, de les rendre capables de prendre eux-mêmes un choix tout en restant dans le bon chemin, d’être maîtres de leur acte d’enseignement et d’en être heureux.

(4) l’état actuel de certains stages de formation qui restent superficiels et ne traitent pas à fond ce dont les formés ont besoin, et qui sont effectués sans coordination d’une région à une autre, d’une période à une autre.

1.b. POUR QUOI UNE TELLE FORMATION? (DANS QUEL(S) OBJECTIF(S)?)

Une telle formation sera bonne si elle peut:

- créer chez son public des besoins d’informations et de recyclage et y répondre, en distinguant les faux besoins des vrais besoins ou attentes.

- envisager un processus de formation qui fera des formés de bons utilisateurs de la méthode TIENG PHAP, formation qu’ils ne subissent pas et à laquelle ils assistent de manière volontaire et active.

- viser à former non pas des professeurs idéaux mais des professeurs aptes à leur tâche quotidienne, en tant qu’ingénieurs d’apprentissage.

2. QUI SERA FORMÉ? UNE TELLE FORMATION VISE QUEL PUBLIC?

En premier lieu, seront concernés tous les professeurs du secondaire qui enseignent avec un ou des manuels TIENG PHAP (du 6e au 12e) ou qui vont enseigner avec.

Ce qui implique que les élèves-professeurs (étudiants d’ENS), futurs professeurs de français au secondaire, ont aussi à recevoir, dans leur cursus universitaire, une formation ititiale analogue.

3. UNE TELLE FORMATION SERA FAITE PAR QUI? QUI EN EST RESPONSABLE?

Le Ministère de l’Éducation et de la Formation sera le premier à être responsable de cette formation dont les lignes de force, tracées par le Ministère, serviront de guide aux Services d’Éducation et de la Formation et aux Établissements secondaires où le français est enseigné, quis seront amenés à coordonner leur action pour entreprendre des programmes de formation, suivant leurs propres conditions.

Seront responsables de l’animation des stages de formation des équipes de formateurs composées d’universitaires, d’anciens stagiaires du CIEP et assistées par des attachés linguistiques français, comme cela se fait depuis plusieurs années. Mais il est souhaitable et, dans une certaine mesure, impératif que les auteurs de la méthode s’y prennent autant que possible, car ils sont les meilleurs à maîtriser les exigences de l’utilisation des manuels.

4. EN QUOI CONSISTERA UNE TELLE FORMATION? QUEL EN SERA LE CONTENU?

La formation devra porter sur:

(1) des aptitudes relatives au savoir-être, au savoir-faire et au savoir des professeurs, en mettant l’accent sur les techniques de classe plutôt que sur l’assimilation des connaissances, des notions.

(2) la prise de conscience de l’objectif visé pour l’enseignement du français au secondaire (la compréhension écrite: pourquoi ce choix? comment ne pas contrarier cet objectif?

(3) la prise de conscience de l’interdisciplinarité et un travail (plus pratique que théorique) sur:

- la linguistique textuelle et les caractéristiques de l’écrit:

+ caractéristiques textuelles: graphiques, lexicales, morpho-syntaxiques, anaphores grammaticales et lexicales.
+ caractéristiques paratextuelles et iconiques: «aire scripturale» (paragraphes, colonnes, titres...), dessins, photos, graphiques, images.

- la linguistique de l’énonciation (macrolinguistique) : le fonctionnement interne du code verbal et son fonctionnement externe (facteurs psychologiques, sociologiques, culturels).

- la psycholinguistique et la motivation, en théorie et dans les techniques de classe.

- le théorie de l’apprentissage pour la préparation et le déroulement de la classe.

(4) l’accès à la compréhension écrite de documents de nature et de forme diverves, pour comprendre et faire comprendre des textes avec leurs signes iconiques, graphiques, typographiques et linguistiques, destinés à produire un effet de sens.

- repérage et reconnaissance du sens des indices signifiants d’ordre linguistique, situationnel ou ayant trait au support du texte.

- attention portée à des unités discursives ou des éléments de texte bien souvent négligés: titres, intertitres, tables des matières, praces, épigraphes....

- travail sur des processus de lecture (lecture silencieuse, oralisée, intégrale, sélective...), l’image du texte et les techniques de sortie (traduction, grilles, puzzles, collages...).

(5) l’actualisation des connaissances d’ordre socio-culturel sur la France et les Français, auxquelles refèrent les éléments civilisationnels des manuels, et qui sont indispensables pour la compréhension de textes et le transfert de la compréhension.

5. COMMENT SE FERA UNE TELLE FORMATION?

... en respectant un certain nombre de principes:

(1) un contrat de formation qui se répartira en plusieurs étapes et dont la programmation assurera des conditions de continuité, de cohérence et de cohésion, en ayant recours à des tâches à accomplir entre deux stages assignés aux formés.

(2) une approche suggestopédique et des entraînements à la découverte, à la réflexion, à la prise de position et aux échanges.

(3) une démarche qui part du vécu des professeurs et non des notions-phares en didactique.

(4) une diversité de formes d’activités et une haute fréquence de travail de groupe et d’échanges.

(5) une formation «sur place» et assistée de séances d’expérimentation, et des suggestions pour une auto-formation des professeurs qui, par sa fonction stratégique, est à la fois moyen et fin de tout processus de formation. Les modalités de travail seront telles que les interventions de la part des animateurs de stage évoluent dans un ordre décroissant, pour laisser la place à une autonomie croissante des professeurs.

(6) une évaluation en fin de stage réalisée en commun (par les animateurs et les professeurs en stage), par rapport aux attentes de départ.

(7) une intervention aussi régulière que possible des inspecteurs du Ministère dans des classes de français au secondaire, pour savoir où en est l’enseignement du français et envisager de là des ajustements nécessaires dans la formation à long terme.

(8) un recours aux ressources matérielles, surtout pour des entraînements à l’auto-formation: médiathèques ou centres de documentation, ressources personnelles, documents de référence distribués aux professeurs...

***

Bref, nous envisageons ici une formation qui nous serait accessible et qui tient à faire des professeurs utilisateurs de nouveaux manuels des ingénieurs d’apprentissage plus ou moins performants, maîtres de leur tâche, libres de choisir et de là, des hommes heureux. Il reste à réfléchir sur un dosage pertinent qui nous évite de «trop (ou mal) embrasser» et de «mal étreindre».

Ne serait-il pas mieux, pour défendre notre formation, d’«apprendre» à nos professeurs «à nager», que de leur «fournir des poissons» qui sont sans cesse à renouveler?


Hué, Juin 1993


Colloque national «ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS AU SECONDAIRE» Hanoi 1993

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