mardi 13 janvier 2009

INTRODUCTION DU RAPPORT-PROJET DE DEA (1997)

A cette époque qui va mettre fin au vingtième siècle et au deuxième millénaire, parler d’interculturel ne surprend plus personne. Tout un chacun est conscient du véritable éclatement interculturel qui atteint tous les domaines de la vie actuelle : des rapports internationaux les plus officiels aux contacts les plus individuels, en passant par des échanges commerciaux, scientifiques, littéraires, artistiques, ludiques... En effet, la communication entre nations, entre sociétés, groupes, individus de cultures différentes est d’une importance de plus en plus forte dans tous les domaines. Cette communication ne se fait cependant pas sans des «ratés» qui gênent la compréhension mutuelle et le fonctionnement des interactions, tant dans des négociations politiques, commerciales ... que dans des contacts interpersonnels ce qui paraît pertinent pour les uns peut être sans importance pour les autres. Qu’est-ce qui fait que, éventuellement, deux individus appartenant à des cultures différentes ne se comprennent pas, interprètent mal leurs intentions réciproques, et ne peuvent pas à leur aise se «comprendre»? ou encore ont l’impression de se comprendre mais dans un quiproquo? Qu’est-ce que le fait de ne pas appartenir à une même culture modifie dans l’intercompréhension des individus en interaction? Telle est la question de départ que nous nous sommes posée.

Ayant bénéficié, dès notre très bas âge, d’une formation scolaire française qui était, dans la société vietnamienne des années 50 à 70, bien appréciée par des familles soucieuses de préparer au mieux leurs enfants à l’avenir, nous étions persuadée que notre comportement était imprégné d’une «certaine» culture française, grâce à des connaissances acquises à l’école sur la France et les Français, et à un certain niveau de maîtrise de la langue française, et que cela nous épargnerait tout risque d’incompréhension, d’illusion de compréhension ou de quiproquos dans le contact avec les Français. Ce qui n’était malheureusement qu’illusoire. Et ces problèmes de « malentendus » sont aussi vécus par nombre de Vietnamiens et de Français, sans toutefois qu’ils en soient vraiment et parfaitement conscients. Tel est le cas par exemple d’une Française qui qualifie de «curieuses» («sans esprit malsain», a-t-elle précisé) ces «questions indiscrètes» posée par un Vietnamien: «Quel âge avez-vous?», «Etes-vous marié?», «Combien gagnez-vous par mois?», alors que, pour un Vietnamien, poser de telles questions est une marque de convivialité, et même une nécessité, pour entrer en communication avec quelqu’un.

Partant de ce constat d’incompréhension entre individus de cultures différentes, notamment entre Français et Vietnamiens, nous avons essayé de consulter des études effectuées dans le domaine de l’interculturel et qui traitent les différences de comportement verbal et d’interprétation dans la communication interculturelle.

Plusieurs domaines ont été abordés : entre autres, la politesse verbale, les salutations, les modes d’adresse, le compliment, le remerciement, les sujets abordables dans les conversations, domaines aussi pertinents les uns que les autres dans une approche interculturelle. Pour notre part, nous nous sommes plutôt intéressée à un angle d’attaque qui permette d’expliciter les divergences d’interprétation, les risques d’incompréhension dus à la différence de culture, dans un cadre plus global et non restreint à un acte comme la salutation, le compliment ou le remerciement, à une contrainte de politesse ou au choix de sujets éligibles dans la conversation. C’est pour cette raison que, répondant aux suggestions de notre directeur de recherche, et le travail de documentation aidant, nous avons choisi d’examiner un aspect qui pour l’instant n’a pas encore été exploité dans le domaine de la communication interculturelle : le calcul du sens, dont les théories de B-N.Grunig, de H-P.Grice, de D.Sperber et D.Wilson, de J.Moeschler et les synthèses de C.Kerbrat-Orecchioni nous serviront de repère dans notre approche interculturelle.

Notre question de départ peut alors se reformuler comme suit: Qu’est-ce que le fait de ne pas appartenir à une même culture modifie dans le calcul du sens de deux individus en interaction?

D’où la tâche que nous nous sommes donnée pour le présent rapport-projet : nous informer sur les théories présentant le sens comme résultat d’un calcul (et non d’un décodage), y repérer des éléments susceptibles de définir l’impact de l’appartenance à une culture sur la construction du sens et l’accès au sens, et, dans un deuxième temps, observer le calcul du sens dans la communication interculturelle, notamment dans les interactions entre Français et Vietnamiens, sous l’aspect des divergences dans le calcul du sens. Notre travail s’ouvrira enfin sur une perspective de recherche pour une étape ultérieure, celle de la thèse à venir.

C’est en recourant sans cesse à notre propre vécu, évidemment avec un certain recul, et surtout aux témoignages que nous avons pu recueillir auprès des Français et des Vietnamiens, que nous avons constitué le corpus de notre recherche. Ces témoignages sont obtenus surtout à partir d’un questionnaire de suggestions élaboré dans le cadre de notre recherche, ou sont tirés de récits et nouvelles, notamment de «La mémoire du chien» de F.Marmande (Ed.Fourbis, 1993)...


«Le calcul du sens dans la communication interculturelle. La rencontre entre Français et Vietnamiens», Rapport-projet de DEA, Université de Rouen, France

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