jeudi 29 septembre 2011

Présentation des manuels Cánh Buồm (La Voile) publiés en 2011 (Traduit du vietnamien par Phạm Thị Anh Nga) - III -

(suite)


LITTÉRATURE

(VĂN)

Selon les orientations de Cánh Buồm, la matière Littérature aurait dû se transformer en Éducation artistique, car telle doit être la mission de cette matière. Mais le changement ne doit pas être trop brusque. Ainsi la matière porte toujours son nom – “môn Văn” (matière Littérature) – avec une mission tout à fait différente, à savoir se servir de la Littérature comme d’un outil préexistant bien pratique pour l’éducation artistique.


Le processus de l’élève qui consiste à se créer une compétence littéraire en effectuant une auto-éducation artistique se déroule de la manière suivante :


À commencer par “apprendre” à avoir de l’empathie, élément essentiel de la compétence littéraire dans chaque individu. Il faut de l’empathie envers des conditions humaines pour que toutes les valeurs littéraires qui seront découvertes aient du sens, et ne soient pas des “belles paroles” vidées de sens. Pourtant, cette empathie n’a pas de signification éthique, cette attitude empathique ne mène pas directement à des actions de bienfaisance par exemple, elle comporte un sens esthétique et mène à une entente forte mais tranquille – comme ce qu’on connaît chez le poète ancien Bạch Cư Dị et sa cantatrice dans Tì bà hành.


Dès la 1re année du primaire, Cánh Buồm organise la classe de manière à ce que les élèves se créent une compétence littéraire à travers des jeux de rôles. Les joies et les peines de la vie réelle ou “la vie” dans des œuvres littéraires sont traduites par les élèves à travers quelques répliques, de façon que, à chaque période de Littérature, la classe redevienne une scène de théâtre et que chaque duo puisse y jouer à son gré.


À partir de la 2e année du primaire, le contenu relatif à la compétence littéraire des classes de 2e, 3e et 4e années est la grammaire artistique, avec chacun des constituants imagination, association, structuration, dont l’apprentissage se répartit au fur et à mesure dans chaque classe de la manière suivante :


En 2e année du primaire, les élèves apprennent l’opération d’imaginer. Ne craignez pas que l’apprentissage de nos pauvres petits élèves ne soit “alourdi”, “surchargé”, “trop académique”. La notion d’imagination est enseignée dès la première période avec une action ludique les yeux fermés et tout en restant tranquillement assis, aller chercher des fleurs pour orner le bureau de la maîtresse. Cette seule action suffit, et les petits enfants racontent à qui mieux mieux ce qu’ils font intérieurement dans leur tête pour produire un objet qui reste aussi dans leur tête mais ayant toute la forme entière d’une image. La notion d’imagination peut se définir sous différents angles – Cánh Buồm la définit sous l’angle de l’action et de là peut faire faire à des élèves des produits de l’imagination.


Il arrive à l’enseignant italien Giodani Rodari[1] de rêver d’une matière, celle d’Imaginatique, mais il n’a pas eu le temps pour réaliser le rêve. Cánh Buồm a pu le faire ! Dans toute la 2e année du primaire, voici ce que les enfants font et récoltent :


- Ils viennent à la notion : imaginer c’est faire quoi ? quels sont les résultats de l’imagination ?

- Ils procèdent à des expériences et arrivent à l’origine de l’imagination.

- Ils possèdent différentes formes d’imagination, des formes logiques aux formes illogiques.


C’est la première étape où ils reprennent le chemin de l’artiste : l’artiste se sert de l’imagination pour créer des images à qualité artistique. Sans l’imagination la belle Kiu n’aurait pas existé. Aujourd’hui, des centaines d’années après Nguyễn Du, les élèves de 2e année du primaire réactualisent l’opération d’imaginer pour venir à des circonstances “d’attente” dans l’œuvre artistique – tout comme Thúy Kiều en position d’attente dans Truyện Kiều.


En 3e année du primaire, les élèves apprennent l’opération d’associer.


Il commencent aussi par produire la notion d’association. Pour répondre à la question qu’est-ce que c’est associer, ils n’entendent pas expliquer la notion, mais apprennent la façon de produire une association. Ils sont guidés dans la production d’une association de la manière la plus simple, c’est le bien dire, l’allusion, bien en usage dans la vie quotidienne – puis ont le plaisir de “bien dire” dans un dessin humoristique ou satirique, dans une fable ou un chant populaire, dans un proverbe ou une devinette… Jusqu’au moment où ces mêmes associations infiniment répandues seront utilisées pour créer un produit de nature artistique : une idée confiée dans l’œuvre.


Par la suite, ils partent à la recherche du pourquoi de l’association. Ils découvriront trois fondements pour la production de l’association chez l’être humain. À savoir : association par expérience personnelle (expérience du corps, de la mémoire, de la sensibilité) ; association par expérience culturelle (livres, images, pièces de théâtre, films, musique… production, tourisme) ; et association par expérience sociale (activités bénévoles, séparation, regroupement, malheur, bonheur). Ces découvertes sont de grande importance, et les élèves s’apercevront que, plus la vie culturelle de l’homme est riche, plus sa capacité à associer est forte – résultat : au contact de l’œuvre, il reconnaîtra plus d’idées[2].


Ensuite, les élèves viennent à la logique de l’association. Il s’agit de chercher la relation cause – effet, la relation d’opposition, la relation moyen – fin entre l’image et l’idée de l’œuvre.


Le résultat d’une année d’apprentissage de la littérature avec le thème opération d’associer, en reprenant le chemin de l’artiste qui se sert des opérations d’imaginer et d’associer pour créer des œuvres en prose ou en vers et d’autres œuvres artistiques…, c’est que les élèves savent eux-mêmes comment trouver une signification d’une œuvre artistique, sans attendre que l’enseignant leur indique les “réceptions” et répètent ensemble telles quelles ces “émotions artistiques” identiques.


En 4e année de primaire, les élèves apprennent une troisième composante de la grammaire artistique, c’est l’opération de structurer.

Si l’imagination figure dans une image et l’association dans une idée, la structuration, elle, engendre un thème :


Opérations

Résultats

Opération d’imaginer

Une image

Opération d’associer

Une idée

Opération de structurer

Un thème


Cette pensée de structuration sera consolidée par le “code” de structuration. La rigueur du code de structuration est simplifiée, réduite. Les élèves apprendront le code de structuration pour le genre lyrique, le genre narratif, le genre dramatique. Apprendre en détail, en entier, mais somme toute il s’agit toujours de code de réception du beau artistique global.


Ces éléments d’imagination, d’association, de structuration constituent la grammaire artistique.


Cette grammaire sera mise en application en 5e année de primaire lorsque les élèves aborderont les différentes formes artistiques dans la vie.



SCIENCE – TECHNOLOGIE

(KHOA HỌC – CÔNG NGHỆ)



À l’époque où les adultes ne connaissaient pas encore assez les enfants, au moins comme de nos jours, où les tâches d’apprentissage des enfants ne pouvaient pas encore être déterminées à chaque niveau d’étude, personne n’a osé proposer la matière Science – Technologie. Alors, au niveau primaire, les enfants avaient une matière appelée Leçon de choses en français, que nos anciens sinoloques traduisaient par Cách trí (forme abrégée de “cách vật trí tri”, c’est-à-dire connaissance des choses), puis le nom de la matière s’est modifié en Khoa học thường thức (Connaissances sientifiques usuelles), puis plus récemment en Tự nhiên-xã hội (Sciences naturelles et sociales) qui apparemment est plus élégant, pourtant le contenu reste toujours “connaissances scientifiques usuelles” – une façon d’apprendre arbitraire, non systématique, sans aucune idée pédagogique.


L’éducation moderne définit la tâche d’apprentissage de l’enfant dès les premières années scolaires et considère le niveau “primaire” comme celui de l’apprentissage des méthodes, ainsi, dans le système d’Éducation moderne, la matière Science – Technologie (Khoa học-Công nghệ) se dote déjà d’une nouvelle mission. C’est la matière qui enseigne aux enfants la méthode d’expérimentation pour que dans leur tête se forme une pensée positiviste, le mode de penser de ceux qui ne croient jamais à des histoires frivoles, et n’ont confiance qu’à ce qui a été démontré par expérimentation, des choses réelles qu’il est possible de multiplier dans les laboratoires ou dans la production.


Une fois de plus cette question se pose : poser ainsi le problème est-il ambitieux, difficile, devrait-il être classé parmi des contenus à alléger ?


Un rappel pour dissuader toute obsession de surcharge et d’allègement : du moment où le pédagogue arrive à trouver des actions à faire faire aux élèves au lieu des enseignements, à ce moment-là les élèves sont capables d’accéder à n’importe quelle notion considérée par les “adultes” comme des plus difficiles.


Rappelons aussi que les actions de l’élève à la place des enseignements de l’enseignant – tel est le remède pour tous les maux d’un système éducatif en pleine crise, un système éducatif qui ne survit que grâce à de vaines paroles.


Voici quelques exemples d’actions des élèves :


- La notion de sentir (subjectivement) et celle de connaître (positivement) ne peuvent pas être expliquées aux élèves de 1re année du primaire. Mais ces élèves sont eux-mêmes capables de trouver l’opposition entre ces deux notions à l’aide des actions comme :


● Regarder deux fils attachés et emmêlés au tableau, disputer à volonté pour affirmer lequel est plus long, puis se servir de l’ “arbitre” qu’est la règle pour résoudre le problème ;


● Toucher deux verres d’eau tiède posés sur la table, disputer à volonté pour affirmer lequel est plus chaud, puis se servir de l’ “arbitre” qu’est le thermomètre pour résoudre le problème ;


● Soulever de leurs mains deux blocs de fer qui pèsent à peu près la même chose, disputer à volonté pour affirmer lequel est plus lourd, puis se servir de l’ “arbitre” qu’est la balance pour résoudre le problème ; etc.


- De la même manière, les notions évaporation de l’eau, fluidité de l’eau, dissolution de l’eau, air, caractéristiques de l’air, terre de cultivation, etc. peuvent être acquises à travers des actions d’expérimenation de l’élève même.


Selon le programme de Cánh Buồm, voici ce qu’il faut étudier pour une répartition aux cinq classes :


1re ANNÉE – Objectifs et méthode d’apprentissage de la matière Science. Outils pour cet apprentissage. Méthode d’expérimentation utilisée. Prise de note des résultats. Démonstration et vérification des résultats d’expérimentation. Application de la méthode d’expérimentation à la découverte de la matière type : eau – air – terre.


2e ANNÉE – La nature. La nature existe naturellement depuis très longtemps. La nature naturelle est différente de la nature culturelle. Les êtres humains vivent ensemble et vivent grâce à la nature. L’homme intelligent explore la nature et en même temps cause des périls portant atteinte à l’équilibre de la nature. La notion vivre en harmonie avec une nature durable.


3e ANNÉE – Découverte de la vie végétale.


4e ANNÉE – Découverte de la vie animale.


5e ANNÉE – Découverte de l’être humain à trois points de vue : corps, intelligence, esprit.


Puisqu’il s’agit d’ “esprit”, il convient d’expliciter cet aspect “spirituel” pour éviter des malentendus.


La vie spirituelle n’est pas et pas seulement la foi en une religion, et encore moins des superstitions.


La vie spirituelle, c’est la vie orientée vers le bien car l’être humain conscient de sa propre existence éventuellement atemporelle grâce à ses mérites placés dans des résultats matériels concrets laissés à ses amis, à ses proches, à la société – possède une “partie âme” laïque dont l’existence se trouve placée dans de tels mérites matériels concrets !



(À suivre)


Groupe Cánh Buồm (La Voile) - Des manuels scolaires comme un voeu de modernisation de l'éducation du Việt Nam (Tables Rondes du 30 septembre 2011 et du 3 octobre 2011, organisées avec le soutien de la Maison d’Editions Tri Thức (Connaissance) de la Fondation Culturelle Phan Châu Trinh et de L’Espace, Centre Culturel Français à Hà Nội)



[1] Giodani Rodari, Grammaire de l’Imagination, dont un compte-rendu relativement minutieux figure dans PhạmToàn, Công nghệ dạy văn (Ingégierie de l’enseignement de la littérature), à partir de la page 279…

[2] Hermenutics est la science qui étudie la recherche de la signification de l’œuvre effectuée par le récepteur de l’œuvre artistique. À noter que “l’interprétation d’œuvres littéraires” risque de tomber dans le cas d’ “une œuvre – une signification, la signification de celui qui interprète. Mais “à l’homme triste comment la nature peut-elle sembler gaie”. Les scientifiques ont créé cette discipline par référence au dieu Hermes distribuant le Verbe (le “texte”) des dieux aux communs mortels, mais ce dieu “transmetteur d’information”, de nature malicieuse, ne transmet pas tout, et des fois tout en blaguant… ce qui fait que chacun y prête sa propre signification et qu’aucun ne veut ressembler à son prochain… La psychologie didactique considère l’opération d’associer comme étant attachée à la recherche de la signification de l’œuvre.


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