(suite)
LANGUE VIETNAMIENNE
Généralités
Avant d’aller à l’école et de commencer leur classe de 1re année du primaire, en général les enfants maîtrisent bien la langue vietnamienne, voire nombre d’entre eux savent de nos jours lire et écrire, pourtant ils doivent toujours apprendre la matière Langue vietnamienne, alors pourquoi ?
Nous dirons que les connaissances des enfants de moins de 6 ans sont de nature empirique. D’une expérience de l’homo sapiens. Le niveau de cette expérience correspond à ce que Bachelard appelle l’âge de la pensée préscientifique de l’humanité. La tâche de l’éducation est d’aider les enfants scolarisés à se débarrasser de cette pensée concrète pour passer à une étape de pensée concrète-abstraite, puis décidément atteindre celle de pensée abstraite (trois étapes selon le classement de Gaston Bachelard).
De manière générale, la matière normalement appelée Langue vietnamienne aurait dû être rebaptisée Linguistique et la langue vietnamienne y constituera alors le seul corpus d’analyse pour l’étude. Mais ce changement de nom devrait être trop brusque pour le mode de penser concret de plusieurs personnes âgées dans notre société. Ainsi le nom ne change pas, mais c’est la façon de faire et le point de vue qui changent – pour le Groupe Cánh Buồm si les enfants apprennent la Langue vietnamienne à l’école générale c’est pour avoir un esprit scientifique (linguistique) face à des phénomènes de la langue vietnamienne. Cet esprit sera formé au fur et à mesure en s’équipant d’outils pour étudier une langue, afin de maîtriser les sujets phonétiques et sémantiques de la langue vietnamienne.
Ce chemin passe à travers les étapes (ou classes) suivantes :
- La 1re année : maîtriser la phonétique vietnamienne – aptitudes relativement maîtrisées dans la lecture et la transcription du vietnamien – les aspects sémantiques et syntaxiques fonctionnent encore selon l’usage.
- La 2e année : maîtriser le lexique vietnamien – aptitudes relativement maîtrisées dans la formaton et l’accès au sens des mots en vietnamien – les aspects syntaxiques fonctionnent encore selon l’usage.
- La 3e année : maîtriser la syntaxe vietnamienne – aptitudes relativement maîtrisées dans la construction et l’utilisation des phrases en vietnamien.
- La 4e année : maîtriser le texte vietnamien – aptitudes relativement maîtrisées dans la création et l’utilisation des paragraphes en vietnamien (genre non-fictionnel), et orientées vers la création et l’utilisation des textes en vietnamien.
- La 5e année : maîtriser des activités de langage diversifiées dans la vie : des colloques organisés par la classe ou l’école, des relations verbales et textuelles avec la société, des modes de comportement langagier …
Contenu détaillé de chaque classe
1re ANNÉE
Les étapes de l’action d’apprendre de l’élève sont supposées analogues à celles d’un phonéticien menant sa découverte.
- Étape 1 : des outils d’étude phonétique, à savoir prononcer – analyser – transcrire (puis utiliser, à commencer par oraliser pour vérifier si c’est bien transcrit). Se servir de ces outils pour observer permettra de voir clairement que seul l’être humain dispose d’un langage articulatoire.
- Étape 2 : L’application de ces outils d’étude à la langue vietnamienne permet de constater que la langue vietnamienne prononcée semble s’enchaîner mais en réalité il ne s’agit là que d’une association de SYLLABES prononcées séparément. Ces sons détachés (sons monosyllabiques) sont énoncés soit de la même façon soit différemment, pourtant la différence la plus petite mais de très grande importance, c’est les tons de la langue vietnamienne [1]. Pour les élèves de 1re année du primaire, les “découvertes phonétiques” telles celles effectuées par des missionnaires contemporains à A. de Rhodes constituent une façon de s’exercer efficacement aux opérations d’études phonétiques (prononcer, analyser, transcrire).
- Étape 3 : À partir des syllabes de ton “ngang” (plat) [ba], faire trouver par les élèves la façon de prononcer une voyelle et une consonne, pour qu’ils retrouvent la graphie de tous les sons, de [ba] [ca] [cha] [đa] … à [ba] [be] [bê] … et même [va] [ve] [vê] [vi] … y compris la graphie conforme aux règles orthographiques telle ca ke, kê, ki … ga, ghe, ghê, ghi … nga, nghe, nghê, nghi …
- Étape 4 : À partir du son [ba] servant de modèle dont la partie finale ou rime (vần) ne comporte que le son principal (âm chính), l’élève passe à l’étude des syllabes selon le modèle [loa] (la rime se composant d’un son principal et d’un son intermédiaire (âm đệm) ), puis à la syllabe modèle [loan] (la rime se composant à la fois d’un son principal, d’un son intermédiaire et d’un son final (âm cuối) ). Des règles orthographiques ke, kê, ki on passe aux règles de transcription des sons initiaux [kư à l’aide de la graphie q et du son intermédiaire “w” ou u pour obtenir qua, que, quê, qui, quơ … quan, quăng, quân …
- Étape 5 : Étude des diphtongues pour apprendre la graphie de la syllabe modèle [ba] ou de la syllabe modèle [lan], on a bia – biên, chua – chuông, trưa – trương et même le cas de la graphie conforme aux règles orthographiques de la diphtongue [iê] dans des mots tels que nguyệt, tiểu thuyết, de cette façon, ce sont les élèves qui retrouvent tout ce que les phonéticiens avaient trouvé [2].
Les étapes de l’action d’apprendre de l’élève sont supposées se dérouler de la même façon que celles d’un lexicologue dans sa découverte selon l’esprit sémiologique.
- Étape 1 : Signe linguistique. La question qui se pose, c’est : jadis, l’être humain en général et le Vietnamien en particulier utilisaient-ils le langage que nous avons de nos jours ? La leçon consiste à ramener les élèves à l’âge où le langage humain n’était que des signes de substitution (gestes, mimiques, bruits, lumière, couleurs… constituaient des signes conventionnels). Plus tard, le processus d’évolution fait redresser le buste de l’homme, rend son cerveau plus volumineux et fait développer son appareil articulatoire. Le Vietnamien ancien avait son langage.
- Étape 2 : Les mots purement vietnamiens constituent le langage initial des ancêtres vietnamiens. Ils se composent de mots monosyllabiques servant à désigner les objets les plus liés aux aspects suivants de la vie :
● Relatifs au manger, première nécessité de l’être humain, par exemple : ăn, uống, cơm, nước, khoai, sắn, nồi, đũa, bát, nấu, nướng, luộc…
● Relatifs au faire pour satisfaire les besoins vitaux (manger), par exemple : ruộng, nương, vườn, rẫy, cày, cuốc, cây, lưới, dao, hạt, củ, quả…
● Relatifs à la famille, par exemple : chồng, vợ, ông, bà, cha, mẹ, con, anh, chị, em, cháu, chú, bác…
● Relatifs à l’habitation, par exemple : nhà, tường, vách, cột, sân, mái, buồng, hè, hiên, cửa , ngõ, cổng…
● Relatifs à l’appréciation, par exemple : tốt, xấu, yêu, ghét, dài, ngắn, béo, gầy, xanh, đỏ, chua, ngọt…
- Étape 3 : Les mots dérivés du vietnamien d’origine pour désigner des onjets plus compliqués. Il existe différents types de mots dérivés :
a. Les mots composés exocentriques : des mots composés dont les éléments constituants ont des rôles principal – subordonné, et que le premier élément engendre le second. Par exemple : cơm tẻ, cơm nếp, cơm nguội, cơm rang, cơm nắm, cơm sáng, cơm trưa, cơm tối, cơm khách, cơm tháng, cơm hàng, cơm bụi, cơm tập thể…
b. Les mots composés endocentriques : des mots composés dont les éléments constituants ont le même rôle. Par exemple : áo quần, quần áo, nhà cửa, cửa nhà, đồng ruộng, rừng núi, núi rừng, cha mẹ, mẹ cha, núi sông, sông núi…
c. Les mots formés par redoublement : xinh xinh, vuông vuông, đèm đẹp, thâm thấp, long lanh, lúng liếng, ngờ nghệch, khờ khạo…
- Étape 4 : Les mots sino-vietnamiens formés et développés dans le processus d’échanges culturels entre le Vietnam et le pays voisin, la Chine.
Ce trésor de mots sino-vietnamiens s’avère d’une grande importance jusqu’à nos jours, et se développe suivant deux orientations :
a. Une orientation qui conserve la qualité sino-vietnamienne, et ne diffère de l’original que dans la graphie en alphabet latin (nhân dân, tổ quốc, độc lập, tự do, hạnh phúc…).
b. Une orientation qui consiste à vietnamiser le mot sino-vietnamien (giáo dục : nhà giáo, ông giáo, bà giáo, cô giáo…).
- Étape 5 : Les mots empruntés aux langues occidentales. Ce sont des mots qui avec la civilisation occidentale se sont implantés au Vietnam.
3e ANNÉE
En classe de 3e année du primaire, les élèves apprendront sur la phrase en vietnamien. Toutes les connaissances et aptitudes à créer et utiliser le lexique (compétences linguistiques acquises en 2e année du primaire) seront employées dans la création des phrases logiquement acceptables et syntaxiquement correctes.
Les étapes du parcours seront organisées comme suit :
- Étape 1 : Les classes de mots en vietnamien.
Les mots et expressions accumulés de manière empirique doivent être classés suivant leur fonction dans la structure de la phrase. Apprendre à discerner les classes de mots constitue une étape où l’élève est préparé à maîtriser les points essentiels de la syntaxe vietnamienne.
Prenons comme exemple le mot “mít”.
Il peut s’agir d’un nom – Thân em như mít trên cây. – Mít là quý! – Mít là gì? Mít là dốt, hiểu chưa?
Il peut s’agir d’un adjectif – Hỏi gì cũng lắc, rõ là mít, mít ơi là mít!
Il peut s’agir d’un adverbe – Xe chở người mà che kín mít!
Ainsi, la détermination de la fonction du mot ne se traduit clairement que lorsque ce mot se trouve associé à d’autres pour constituer une phrase mise en usage dans la communication. C’est la raison pour laquelle Cánh Buồm ne fait pas apprendre les classes de mots en 2e année du primaire, et choisit de les introduire dans la leçon 1 de ce manuel destiné à l’enseignement de la phrase.
- Étape 2 : La phrase noyau Sujet – Prédicat.
C’est à partir des “phrases” constatées dans la leçon précédente servant à discerner les classes de mots que les élèves trouveront les caractéristiques d’une phrase :
+ Sa mission : associer les êtres humains à travers des situations de communication.
+ Sa fonction : Informer.
+ Sa structure noyau : Sujet-Prédicat.
- Étape 3 : La logique-noyau Thème-Rhème de la phrase.
+ La mission de la phrase vis-à-vis de la pensée humaine : renforcer le caractère logique qui s’est développé dans la pensée humaine.
+ Sa fonction : Développer les arguments de l’être humain.
+ Sa structure noyau : Thème – Rhème.
- Étape 4 : Les formes logiques de la phrase.
Tout compte fait, la langue contribue à consolider la vie humaine qui s’organise de mieux en mieux, et cette vie a bien besoin du caractère logique, de cette façon la logique de la langue influence fortement la pensée humaine. Ainsi, cette leçon 4 sera le lieu d’exercer des situations de parole les plus fondamentales de l’être humain, des situations brutes aux situations raffinées et aux situations maîtrisées.
4e ANNÉE
En 4e année de primaire, les enfants commencent à apprendre la textologie pour s’exercer à créer eux-mêmes des types de textes – les textes fictifs dans la matière Littérature, et les textes non-fictifs dans la matière Langue vietnamienne. Ce contenu s’effectue suivant les étapes suivantes :
- Étape 1 : Paragraphe. C’est la première étape d’un apprentissage où les élèves apprennent à créer un texte. Ils apprennent à créer un paragraphe noyau comportant 5 phrases : une thèse, un développement, une antithèse, une synthèse, et une conclusion. Dans ce modèle de paragraphe noyau figurent l’idée et l’expression de cette idée. Une fois ce contenu maîtrisé, celui qui écrit peut produire un paragraphe de moins de 5 phrases ou de plus de 5 phrases, mais à chaque moment il doit se soumettre à la logique du paragraphe noyau.
- Étape 2 : Technique de créer un paragraphe. Cette leçon comprend les parties suivantes :
● Comment trouver des idées à un paragraphe. À partir d’une idée, comment écrire la thèse.
● Comment écrire un développement.
● Comment écrire une antithèse.
● Comment écrire une synthèse.
● Comment écrire une conclusion.
Bien apprendre à créer un paragraphe est l’étape préparatoire pour le passage d’un paragraphe noyau à un texte complet qui fera l’objet d’étude de la leçon 3.
- Étape 3 : Comment développer un paragraphe noyau pour en faire un texte. C’est l’étape 3 qui consiste à construire à partir d’un paragraphe noyau un texte non-fictif (texte non-littéraire).
En 5e année du primaire, classe qui met fin à l’étape d’étude “primaire”, les enfants sont capables d’appliquer leurs compétences linguistiques à des formes d’activités linguistiques de l’être humain de manière académique et réglementaire (colloques) et in vivo (lettres de demande, de pétition, de plainte…).
Groupe Cánh Buồm (La Voile) - Des manuels scolaires comme un voeu de modernisation de l'éducation du Việt Nam (Tables Rondes du 30 septembre 2011 et du 3 octobre 2011, organisées avec le soutien de la Maison d’Editions Tri Thức (Connaissance) de la Fondation Culturelle Phan Châu Trinh et de L’Espace, Centre Culturel Français à Hà Nội)
[1] Joseph Ðỗ Quang Chính: "Lịch sử chữ Quốc Ngữ 1620-1659" (L’histoire de l’écriture Quốc Ngữ 1620-1659), Sài Gòn, 1972 ; réédité à Paris, Ðường Mới,1985. Le R.P. Đỗ Quang Chính raconte un cas de confusion de ton dangereuse où [chém] [tre] (abattre du bambou) se confond à [chém] [trẻ] (abattre un enfant) et un cas drôle [cá] (poisson) và [cà] (aubergine). Voir aussi: Nguyễn Văn Trung (Dr.), "Về sách báo của tác giả Công giáo (thế kỷ XVII-XIX)” (Sur les publications des auteurs chrétiens (XVIIe-XIXe siècle), Département de Lettres, Université de HCM-ville., 1993.
[2] Les professeurs de l’Université de Hanoï (surtout Đoàn Viết Thuật), dès 1960, ont synthétisé la formule de la syllabe vietnamienne avec le son initial, le son intermédiaire, le son principal, le son final. Cette formule a été ensuite pédagogisée par Hồ Ngọc Đại dans la démarche d’enseignement de Tiếng Việt (Langue vietnamienne), classe de 1re année du primaire de l’Ingénierie de l’éducation. Un membre du Groupe Cánh Buồm a contribué sa modeste part à cette démarche d’enseignement du vietnamien portant le nom de Hồ Ngọc Đại. Plus tard, la contribution du Groupe Cánh Buồm consiste à simpliquer autant que possible pour que tout le parcours de l’apprentissage de la phonétique vietnamienne ne figure que dans un seul manuel avec des renseignements pédagogiques ajoutés sur place, afin que tout un chacun puisse s’en servir pour enseigner aux enfants de manière scientifique.
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